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Actes premiers

Un atrabilaire amoureux
par Colette Godard

 

Avant de penser au théâtre, Dominique Pitoiset se voyait architecte. Puis peintre. Il entre donc à l’école des beaux-arts de Dijon, sa ville natale, se passionne pour l’Arte Povera, les artistes de la Renaissance, le nombre d’or, « le cul des chevaux du Caravage ». Afin de payer ses études, il fait gardien de nuit au musée d’Histoire naturelle et, section vivarium, se laisse fasciner par le labyrinthe des espaces vides, par la succession des prisons de verre où tournent inlassablement d’inquiétantes créatures aquatiques.

Ses grandes joies il les tire du foot, son héros s’appelle Maradona : « Un prince de la rupture, l’homme qui joue avec le feu et vient pervertir les usages, le bon ton », dit-il aujourd’hui. Il dit aussi qu’il aurait pu devenir sportif professionnel, mais voilà, à quinze ans, il rencontre Thomas Mann, Hermann Hesse, les dieux du romantisme allemand, et s’y noie. C’est l’une des raisons pour lesquelles, avec des amis, il s’engage dans une troupe de théâtre amateur. Rien d’important, si ce n’est que le virus est là et ne va plus le lâcher. Un virus transmis voilà déjà plusieurs années, sans que personne s’en aperçoive, par Tartuffe dans la mise en scène de Roger Planchon. L’histoire se passe à Chalon-sur-Saône, où le spectacle est en tournée, et où la voiture des Pitoiset tombe en panne. Si bien qu’en attendant la réparation, les parents emmènent le fils au théâtre. Éberlué, émerveillé par les costumes, les acteurs, le décor, par l’immense tableau de Christ au corps langoureux alangui sur toute la largeur du rideau de scène, le gamin assiste à la représentation et en demeure marqué à vie.

La preuve : bientôt les arts plastiques l’ennuient autant que l’a ennuyé l’architecture. Mais s’il pense théâtre, c’est par l’intermédiaire de la scénographie. Il se met en tête de passer le concours d’entrée à l’école du Théâtre national de Strasbourg, dirigé par Jean-Pierre Vincent et qui, en ce temps-là, représente le haut de gamme de la scène française, avec une troupe, un « collectif » qui comprend, entre autres, Christiane Cohendy, Évelyne Didi, André Wilms, Bernard Freyd, Philippe Clévenot…

Dominique Pitoiset s’est trompé de date et arrive trop tard. En fait, il a accompagné un comédien de la troupe amateur dijonnaise et, puisqu’il est là sans avoir rien à faire, lui donne la réplique. Claude Petitpierre, directeur de l’école, lui conseille de rester. Apprendre le métier d’acteur ne lui déplaît pas, pourtant il cherche quelque chose de plus, quelque chose d’autre. Ayant entendu dire que Strasbourg fut un haut lieu du situationnisme, il commence à fouiner pour voir ce qu’il en reste.

« Grâce à un avocat survivant de cette époque, tout près du théâtre j’ai découvert un endroit, une cave sous le restaurant universitaire, le Caveau de la Ruelle. On y voyait encore des crochets de boucher et, sur les murs, des graffitis poético-subversifs. Je me suis dit que j’avais repéré le lieu idéal pour faire revivre une troupe universitaire. Parallèlement à l’école, sinon contre, du moins sans rapport avec ce qu’on nous y enseignait, avec plusieurs collègues, nous avons travaillé sur l’aléatoire et monté, d’après Le Silence de John Cage, un vrai spectacle qui n’était pas inintéressant et qui a fait son effet. Nous l’avons d’ailleurs présenté dans quelques festivals universitaires, en particulier à Bron, à côté de Lyon. Il s’agissait d’une expérience collective sans véritable metteur en scène, mais il est vrai qu’à l’école, déjà, je me sentais plus proche des intervenants, des animateurs de stage que des stagiaires. »

Son premier travail officiellement professionnel, Dominique Pitoiset le trouve à sa sortie de l’école, en 1981. Jean-Pierre Vincent met en scène Les Corbeaux d’Henri Becque à la Comédie-Française, dont il sera bientôt nommé administrateur général, et le prend comme assistant. Dominique Pitoiset plonge dans l’institution majuscule, le théâtre à cent pour cent, apprend ce que veut dire dramaturgie et direction d’acteurs, s’imprègne de la pratique de mise en scène : « Établir des plannings ; être confronté quotidiennement aux angoisses des acteurs ; organiser les répétitions ; savoir où sont accrochés les projecteurs, comment s’appelle telle perche, comment fonctionnent les dessous d’une scène à l’italienne, et sa machinerie ; se familiariser avec l’économie d’une représentation, avec les ateliers de décors, de costumes ; connaître la fonction des différents postes : direction générale, régie de plateau… L’artisanat quoi, les vertiges de l’art viennent ensuite. Et de toute façon, le talent ne se transmet pas.

« Nous étions nous deux, Vincent et moi, c’était nouveau pour moi et enrichissant. J’ai pu ainsi appréhender tout autre chose que ce que je connaissais, d’autres pratiques, d’autres mondes. Et en même temps, ça a provoqué chez moi le désir irrépressible de m’en aller, la nécessité de quitter Paris, ces mondes-là et leurs façons de vivre. Je me sentais mal, je ne comprenais pas les règles de l’étiquette, je ne savais pas m’y plier, surtout, je ne voulais pas devenir comme les copains, abonné aux Assedic. Il est vrai aussi que je suis de tempérament nomade. J’arrive, je pose ma valise, mais je ne m’incruste pas. »

À peine les répétitions terminées, tel Alceste fuyant la Cour, Dominique Pitoiset repart pour Dijon. Sur les conseils de Simone Amouyal, qui travaille pour Roger Planchon à Villeurbanne, il se présente au fracassant duo de la RDA, Manfred Karge et Matthias Langhoff, qui s’apprêtent à monter Le Prince de Hombourg et cherchent un assistant. Dominique Pitoiset parle un peu allemand, et il n’est pas le seul à postuler…

« Ils recevaient à l’Odéon dans une petite pièce, j’étais le dernier à passer, manifestement ils en avaient assez. Quand je suis entré, Langhoff était d’une humeur de chien, et m’a dit d’emblée : « On ne va pas encore parler théâtre, ça suffit comme ça, j’ai mal à la tête. » J’ai pensé que c’était cuit, mais puisque j’étais là, et que je devais dire quelque chose, j’ai parlé foot. Langhoff a enchaîné… La situation était complètement absurde, avec Karge, grand molosse en salopette qui écoutait en fumant un barreau de chaise, et Langhoff, affûté comme une lame de couteau, en pantalon pattes d’eph’et chaussures de daim à la mode RDA, qui discutait foot, dramaturgie du foot. Quand je suis parti, son mal de tête paraissait terminé, j’étais heureux mais sans illusion sur mes chances. Et puis, quand à Villeurbanne on leur a demandé qui ils avaient choisi, Langhoff a dit, paraît-il, « le footballeur ».

« Seulement il est tombé malade, ensuite il y a eu encore un retard, de sorte que j’ai travaillé avec eux sur la distribution, je suis allé les voir régulièrement à Bochum, où ils étaient metteurs en scène invités, mais je n’ai pas fait Le Prince de Hombourg avec eux à Villeurbanne. En revanche quand Benno Besson a pris la direction de la Comédie de Genève et leur a demandé de mettre en scène La Cerisaie, ils m’ont appelé. »

Dominique Pitoiset se méfie toujours de Paris, mais y va pour les spectacles. Il a été ébloui – en 1979 – par le spectacle de Bob Wilson au Théâtre de Paris, Edison. Il a – en 1983 – connu un moment de bonheur intense, « le grand frisson artistique », devant La Tempête de Shakespeare par Giorgio Strehler. Il assiste Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret sur Vermeer et Spinoza. Nous sommes en 1984, l’année où s’installe entre la Suisse et lui une collaboration de sept ans. Sept ans pendant lesquels Dominique Pitoiset dirige des stages à Lausanne – et aussi à Dijon et Milan. Mais surtout, en janvier 1988, au Nouveau Théâtre de Poche de Genève, il reprend sa première mise en scène professionnelle, créée au festival de Semur-en-Auxois, en Bourgogne, produite avec un budget minimal, mais présentée pendant trois semaines. Il fait l’acteur ; c’est jusqu’à présent la seule fois qu’il tient un rôle important. Non qu’il s’en soit dégoûté, mais, finalement, en dehors de la mise en scène proprement dite, il préfère se concentrer sur la scénographie – « Je ne suis pas quelqu’un de facile pour les décorateurs », reconnaît-il –, éventuellement sur les adaptations. La pièce s’appelle Comédienne d’un certain âge pour jouer la femme de Dostoïevski. Elle est d’un auteur soviétique, Edvard Radzinski, qui à deux reprises vient à Genève, assiste incognito au spectacle, se fait connaître, témoigne sa satisfaction, déclare qu’il faut de toute urgence tirer un film du spectacle. Effectivement, un cinéaste arrive de Moscou, et puis l’affaire en reste là. Dominique Pitoiset n’en éprouve aucun regret. S’il est perpétuellement en quête de mieux, tout au moins d’autres horizons, le cinéma ne l’attire pas. Pas encore ?

Pour l’heure, toujours en 1988 et toujours au Théâtre de Poche de Genève, il met en scène Le Pélican, dernière des « pièces de chambre » de Strindberg. L’adaptation d’Arthur Adamov n’atténue en rien l’outrance des sentiments. Dans cette histoire de féroce lutte familiale autour d’un personnage mort, le père, Dominique Pitoiset discerne des résonances avec une œuvre qui le poursuit, et qu’il se promet bien de monter un jour : Hamlet. Au-delà du naturalisme, Le Pélican lui offre l’occasion de faire parler un acharnement personnel à souffrir qu’il se plaît à transférer sur Strindberg, « avant tout un homme qui lutte, qui du matin au soir est travaillé dans sa chair, dans son corps. De toute évidence, le pélican, cet oiseau qui donne sa chair et son sang pour nourrir ses enfants, c’est lui » (texte programme, propos recueillis par Odile Quirot).

De retour à Dijon, Dominique Pitoiset rencontre François Le Pillouër – fondateur et directeur de Théâtre en mai, réunion internationale de jeunes metteurs en scène –, qui l’épaule, l’amène à fonder sa compagnie afin de recevoir des subventions, des aides municipales avec lesquelles il peut monter son premier classique, Le Misanthrope, spectacle accueilli par le centre dramatique de Bourgogne dirigé par Alain Mergnat. Ce Misanthrope, dans cette année 1990, arrive après celui de Jacques Weber à Nice, celui de Niels Arestrup dans sa tentative de diriger à Paris une salle privée (théâtre de la Renaissance), celui de Simon Eine à la Comédie-Française. Et ne ressemble à aucun.

Les personnages se cognent les uns aux autres dans un espace resserré, bancal, qui les plaque sur le devant de la scène. Ils font penser à des araignées enfermées dans une boîte – aux étranges poissons du musée des sciences naturelles tournant en rond dans leur prison de verre… Les entrées et sorties se font par une petite porte trop basse qui oblige à se courber, et par une ouverture plus haute mais étroite. Alceste, c’est le provincial perdu dans un milieu frelaté, profondément grossier en dépit d’une sophistication toute superficielle, d’ailleurs tournée en ridicule par Molière. Un monde de mufles, de médiocres profiteurs, que Philinte accepte avec un cynisme distant, qu’Alceste rejette avec rage, que Célimène semble supporter difficilement, comme une malade résignée à vivre. À côté des autres, quels qu’ils soient, tous rapaces, cupides, jouisseurs sans scrupule, disposés à mordre ce qui passe à leur portée, et finalement dépourvus de mystère, Nadia Fabrizio crée un personnage émouvant, complexe, secret. Elle est l’héroïne type de Dominique Pitoiset, dont elle partage et la vie et le travail.

« Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices
Et chercher sur la terre un endroit écarté
Où d’être homme d’honneur on ait la liberté. »

Ainsi parle Alceste et il s’enfuit loin des hommes, rêvant de désert, de pureté. Pour son spectacle suivant, Dominique Pitoiset s’attache à un misanthrope encore plus radical : Timon d’Athènes de Shakespeare. Là encore, entre des murs trop hauts, pareils à des insectes enragés, les personnages s’enterrent, s’enferrent, s’enfoncent. Il n’y a pas de femme dans cette pièce, sinon deux prostituées, à peine des figurantes, ici jouées par des acteurs. Il s’agit d’une fable viscéralement amère, où l’on voit un glorieux général se ruiner à force d’acheter l’amitié de son entourage. Écœuré, il veut rester seul avec sa fureur, sa douleur, s’exile au désert, y trouve de l’or et aussitôt accourent les faux amis dont il se venge. Il les humilie en leur jetant à la tête son trésor, ses insultes, ses malédictions. Mais pour arriver à s’en débarrasser l’esprit, il lui faudra aller jusqu’à se donner la mort.

Avec délectation Dominique Pitoiset s’identifie au forcené, auteur de sa propre épitaphe : « Ci-gît Timon qui de son vivant haïssait tous les hommes en vie. » Magnifique interprète du rôle titre, Hervé Pierre prend en charge le désespoir, les colères de Dominique Pitoiset, et son pessimisme généreux, sa quête obsessionnelle du vrai dans le faux-semblant du théâtre. Acteur et metteur en scène se retrouvent pour la production suivante Urfaust, créée au Quartz de Brest, où la compagnie est accueillie en résidence. Goethe a écrit cette première version de son grand œuvre à vingt-cinq ans. Il s’est inspiré des spectacles de marionnettes très populaires qui couraient les foires, racontant la légende médiévale, le vieux fantasme de jeunesse éternelle, l’éternelle tentation du pacte avec le diable, pouvoir et punition. Mais le combat du bien et du mal intéresse moins Dominique Pitoiset que la fantaisie rugueuse du texte de Goethe, et sa joviale cruauté. « Déjà, écrit-il en 1993, les Grecs nous avaient prévenus que le risque était terrible de se mesurer aux dieux. […] Aujourd’hui, le nihilisme et la déception semblent être de mise, et le retour des fantômes, notre inéluctable devenir. Nos pays sont vieux, Faust n’a pas le temps de voir pousser sa barbe, la vieillesse est dans sa tête. Le navire vogue à la dérive. Méphisto n’est que le révélateur de nos désirs, sa magie est folklorique. Le retour des dieux est célébré en grande pompe par des intégristes de tout poil […] »

Faust n’est donc pas un vieillard affamé de puissance, mais un garçon de l’âge de Goethe, jeune homme avide qui rejette le désert des études, le renoncement au monde, à l’amour, à la vie. Dominique Pitoiset voit en lui « un être génial, mais faux, hypocrite, antipathique… Il n’aime pas Marguerite, il veut s’approprier son innocence. Le désir des hommes n’est pas généreux, c’est pour moi un point sensible. Nous sommes en perpétuel délit de fuite » (Le Monde, 1er mars 1993).

Sa sympathie va donc à Méphisto dont Hervé Pierre fait une sorte de paysan futé, redoutablement serviable. « Un diable de seconde catégorie qui mène le jeu. » Dans l’espace dépouillé, mi-barque, mi-castelet, « les petits hommes sont des rats voués à la mort sans salut ni rémission. […] Nous allons les observer, et assister à la vaine tentative de Faust de renoncer à la conscience en s’oubliant par l’amour. C’est une autre forme de suicide. Il cherche à se consumer » (texte programme, 1993).

« Se consumer », l’expression revient sans cesse chez Dominique Pitoiset.

Face à cette rage mortifère, il y a donc Méphisto, l’autre visage de Faust, son double épicurien, son Leporello. Un double chargé de mettre en lumière et en jeu les contradictions de l’individu dans son rapport à la société, et à lui-même : « le débat intérieur incarné en deux corps ». Alceste-Philinte, Faust-Méphisto, don Giovanni-Leporello – et la liste n’est pas close – forment un seul être en deux personnages. La question poursuit Dominique Pitoiset, qui rêve de monter Mozart et Salieri, opéra de Rimski-Korsakov tiré d’un court texte de Pouchkine : « Une pièce sur la plus injuste des injustices : le talent. Sur ce qui fait la différence entre Michel-Ange et le plus doué de ses élèves, entre quinze mises en scène de La Tempête, et celle qui vous déchire pour la vie, devant laquelle vous vous sentez un être humain… Là il s’agit, entre Mozart et Salieri, de la confrontation au génie, au rire du génie, à nos ambitions inaccessibles. Sans doute sommes-nous tous plus ou moins capables de brimer nos pulsions. Mais qui, un jour, n’a pas cherché dans l’art l’ivresse suprême, pareille à celle que l’on peut atteindre dans l’amour ? Quelques-uns imagineront avoir touché une parcelle de paradis, d’autres y laisseront leur peau. Quoi qu’il en soit, on cherche, et sur cette recherche, on bâtit son existence. »

Le Misanthrope a ouvert à Dominique Pitoiset une porte sur la cour des grands. Timon d’Athènes l’y a installé. Urfaust lui apporte une reconnaissance officielle. Il obtient une bourse de la fondation Médicis hors les murs et, grâce au journaliste italien Franco Quadri, rejoint comme auditeur Luca Ronconi, qui monte Armida à Pesaro. Une « confrontation au génie » dont il garde un souvenir émerveillé, souvenir d’une intelligence quasi magique de la scène. À son retour il met en marche un projet qui lui est particulièrement cher, l’adaptation du roman de Gontcharov Oblomov – dont Nikita Mikhalkov a tiré un film –, le portrait d’un homme qui voulait dormir, rêver peut-être, et c’est tout, absolument tout.

Avec le traducteur André Markowicz, Dominique Pitoiset part pour Saint-Pétersbourg, visite la rue où Oblomov est censé avoir vécu. Comme s’il avait réellement existé, les gens parlent de ce personnage en qui certains ont voulu voir le symbole de l’indolent fatalisme slave. Au retour, commence le travail sur l’adaptation : « Je lisais le texte en russe à haute voix et je le traduisais mot à mot. Cela nous donnait l’intonation, la structure et rien d’autre, il ne s’agit donc nullement d’une traduction définitive. Mais ce procédé nous a permis de poser les questions. […] La question se pose de savoir dans quelle mesure il est possible de faire apparaître cette originalité (de la langue russe) en français et où se situe la limite. Je n’ai pas de réponse univoque, cela dépend en partie du travail sur le plateau et avec le metteur en scène », déclare André Markowicz, au cours d’une discussion publique avec Dominique Pitoiset organisée par le CTL (Centre de traduction littéraire), le 22 novembre 1993, près d’un an avant la création du spectacle, le 4 octobre 1994, au Théâtre Vidy de Lausanne.

Le décor enferme dans une boîte coupée du monde, vide à l’exception d’un canapé et d’un pupitre de musique, un homme poupin, étendu sur un divan dont il semble faire partie. Comme s’il ne s’était jamais levé de sa vie. Et il est vrai que se mettre debout, marcher, lui paraît non seulement fatigant, mais totalement inutile. Il rêve, et les gens qui viennent le voir, y compris la jeune femme dont il se sent prêt à partager l’amour, doivent entrer dans son rêve. Il ressasse des plans d’aménagement pour son lointain domaine. Il veut en faire un ailleurs idéal, le pays où il retrouverait son enfance. Plus exactement une enfance imaginaire, celle qu’aujourd’hui, adulte, il s’invente. Oblomov est un mystique de l’inaction « ravagé par une passion dévorante […], monstre de pureté, qui rêve d’une abstention divine et d’un désœuvrement sans fin » (Frédéric Ferney, Le Figaro).

« Oblomov vit son enfance comme une utopie, explique Dominique Pitoiset. C’est un drogué du rêve. Son domaine, il en parle à coups de sensations, il parle de l’odeur d’herbe coupée, du jour qui tombe… Le présent lui est insupportable, il doit donc inventer son futur, mais comme le futur est voué à devenir le présent, et que le présent est insupportable, il ne lui reste plus qu’à se réfugier dans le passé. C’est ce que j’appelle le rêve rétroactif de l’enfance. »

Pourquoi, aujourd’hui encore, Dominique Pitoiset, bourreau de travail, éprouve-t-il une tendresse particulière proche de la fascination pour ce « paresseux métaphysique » ? « Un créateur, juste avant les rudes épreuves où il donne toute sa mesure, juste avant de se lancer, connaît cette flemme immense, cette léthargie puissante, cette impulsion à se distraire, à éviter le passage ardu où il se trouvera nez à nez avec l’Autre, non pas avec son double, mais avec lui-même à l’état d’autre, méconnaissable. Imaginez que cette flemme s’éternise, qu’elle dure toute la vie ; c’est ça, Oblomov ; un chômage radical au niveau de l’être », écrit le psychanalyste Daniel Sibony dans Oblomov ou la misère de l’idéal. C’est en tout cas une explication.

Ascète de la misanthropie, Oblomov clôt un cycle. C’est aussi, jusqu’à présent, la dernière fois que Dominique Pitoiset demande à Hervé Pierre d’incarner son « autre lui-même méconnaissable ». Et c’est le dernier spectacle de sa compagnie, indépendante, sans lieu fixe, donc dépendante des structures d’accueil et de production. Elle est dissoute après avoir coproduit La Dispute de Marivaux, répétée et créée en février 1995 à Rennes, au Théâtre national de Bretagne, dont François Le Pillouër vient de prendre la direction. Quant à Dominique Pitoiset, il est nommé en avril 1994 à la tête du Centre dramatique de Bourgogne. Alain Mergnat ne partant qu’en juin 1995, et ayant établi le programme de la saison 1995-1996, c’est en invitée que La Dispute est présentée après une tournée en France, en novembre 1995. En janvier 1996, Dominique Pitoiset prend effectivement la direction du Centre dramatique, qui devient Théâtre national Dijon Bourgogne. Différence d’appellation, différence de statut, avec – en principe – les moyens adaptés à une mission davantage centrée sur la création théâtrale. C’est-à-dire, d’abord et avant tout, la rénovation de la salle aménagée dans une chapelle désaffectée, le Parvis Saint-Jean. Ensuite, un espace plus grand, une salle de répétitions, un atelier de décors. Mais, pour la première fois, Dominique Pitoiset pose ses valises, et prend pied dans « son théâtre » bien qu’il rejette avec horreur le possessif de l’expression.

La Dispute, ou le récit d’une expérience. Afin de déterminer qui de l’homme ou de la femme a inventé l’inconstance, deux adultes, le Prince et Hermiane, vont observer sans être vus le comportement de quatre adolescents, deux garçons et deux filles, élevés dans l’isolement complet. Ils connaissent uniquement un couple de domestiques noirs et, pour la première fois, sont mis en présence les uns des autres. Ils découvrent le plaisir, le désir, la jalousie, la violence…

« Ils découvrent avec force les transports amoureux, une sensation neuve provoquée par la présence de l’autre. » C’est l’histoire d’une expérience, la défaite d’une utopie. Oblomov se construit en rêve une enfance idéale, et à partir de là, fait de sa vie une œuvre d’art en quelque sorte virtuelle. Le Prince et Hermiane s’en vont à la recherche d’une innocence perdue. « L’essai d’un retour à la première fois, une quête des origines. Une quête impossible. Ces adolescents ne sont pas des enfants sauvages à la Kaspar Hauser. La vitesse à laquelle ils développent l’instinct de propriété et de domination, à laquelle ils comprennent où est leur intérêt, et les règles du jeu, est admirable. Et aussi le naturel avec lequel ils pratiquent les stratégies de la séduction : se faire esclave pour mieux être le maître » (texte programme).

Plus que jamais le décor est une boîte. Une cage dans laquelle courent et se déchirent de jeunes animaux affolés. Les seuls adultes sont les deux domestiques noirs. Le Prince et Hermiane n’apparaissent que sur le réseau d’écrans, sortes de vidéos de surveillance qui, comme des miradors, encerclent le monde des enfants, les prennent au piège des regards anthropologues insupportablement démultipliés. « Le Prince regarde Hermiane regarder les enfants. Il l’inclut en même temps que le public dans son expérience. C’est lui le manipulateur. » Les adultes scrutent ces animaux étranges : les jeunes. En même temps, figés dans leur image, ils sont eux-mêmes pris au piège d’une épreuve sans fin, alors que la représentation théâtrale garde l’instabilité de la vie.

La pièce, à l’origine, se termine sur l’arrivée d’un couple d’adolescents parfaitement normaux et qui vont s’épouser. Dans sa légendaire mise en scène de 1973, Patrice Chéreau en a fait des petits bourgeois déprimants. Dominique Pitoiset les supprime. « J’avais d’abord imaginé un couple de nains richement vêtus, apportés dans une caisse trouée, comme les autruches du zoo de Bâle. Finalement, je n’ai pas voulu assumer cette violence-là. J’ai préféré me raconter une histoire – peut-être vraie d’ailleurs – comme quoi la première représentation de La Dispute avait été catastrophique, et que Marivaux avait ajouté une sorte de happy end artificielle, dont aujourd’hui, nous n’avons plus besoin. J’ai préféré en rester à la destruction du couple. »

Les jeux de vilain aboutissant à la destruction du couple, tout au moins à sa déstabilisation, Dominique Pitoiset les poursuit avec Les Noces de Figaro, qu’il met en scène en septembre 1995 à Lausanne, pendant la tournée de La Dispute. Il aborde pour la première fois l’opéra, sans rien changer à ses principes scénographiques : « Premier acte : une armature de lit. Deuxième acte : un placard. Troisième acte : le même placard renversé. Quatrième acte : un arbre. […] Ils (Dominique Pitoiset et Laurent Peduzzi) ont enfermé Les Noces de Figaro dans une cage presque vide. Les lumières dessinent barreaux et grillages. Deux petites portes en fond de scène sont les seules communications avec l’extérieur » (Pierre Moulinier, Le Monde).

Malgré les contraintes artistiques autant qu’administratives de l’opéra, ou peut-être grâce à elles, Dominique Pitoiset vit une expérience émotionnelle intense, qu’il nomme « instant lyrique ». « Cet instant où la musique et la scène se rencontrent, où le chant devient magie, fait croire à l’impossible, porte l’indicible, supprime, sublime les discussions, les conflits, les doutes, les colères, les piétinements. Je ne sais pas bien définir cet instant, je sais seulement que j’aimerais y rester. »

Recherche de l’instant lyrique, quête de vérité. La vérité-éclair, qui brûle et disparaît. L’insaisissable vérité qui poursuit Joseph K., héros du Procès de Kafka, créé au Festival d’Avignon 1996, dans la Cour du lycée Saint-Joseph où, entre les murs austères, une toile orange trouée de trappes – dont les couvercles quand ils demeurent fermés se confondent avec le reste – constitue le seul décor. « Une immense toile lisse, escarpée comme une montagne, sans aspérité où se raccrocher. Un vrai rocher de Sisyphe que (Joseph K.) est condamné non pas à porter, mais à gravir, puis à dévaler, sans dignité aucune, sur les fesses » (Odile Quirot, L’Observateur). Les acteurs ont répété dans une pièce encombrée de meubles, pour intégrer dans leur corps et leur comportement le parcours sinueux du labyrinthe kafkaïen, représenté par ce vide sur lequel s’inscrit en lettres éphémères la première phrase du roman : « Il fallait qu’on ait calomnié Joseph K. car un matin, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté. »

« On ne connaît pas la loi, on ne connaît que la sentence. » Dans la suite d’Oblomov fuyant le monde dans le sommeil, Dominique Pitoiset « termine la nuit en ouvrant les yeux sur le cauchemar de Joseph K. Un homme pris dans la masse, désigné au hasard, comme frappé d’une sale maladie. Il n’est pas Kafka, il est personne et tout le monde. […] Son parcours suit un processus parallèle à celui du malade : la révolte face à l’injustice, le « pourquoi moi ». L’acceptation progressive du mal. L’attente, comme dans les couloirs de l’hôpital qui conduisent à la chimiothérapie. Et puis le dernier recours, l’appel à une instance supérieure, évidemment absente. Un gros mensonge… » (Le Monde, 4 juillet 1996).

Le spectacle pourrait former le second volet d’une trilogie commencée, dans la même année, avec Le Château par Giorgio Barberio Corsetti, poursuivie avec L’Île du salut, d’après La Colonie pénitentiaire, par Matthias Langhoff. Kafka, bien qu’il n’ait pas écrit pour la scène, propose aux hommes de théâtre un pari quasi inévitable : parce que ses créatures plongent jusqu’au centre des équivoques de l’innocence, au centre des gouffres de la culpabilité. Au centre des contradictions humaines. Parce qu’elles sont « personne et tout le monde », parce qu’elles cheminent aux frontières du concret et de l’imaginaire, là où le temps s’enroule en spirale, dans un univers sans évidence aucune. Le nôtre.

À Avignon, Le Procès fait événement, révèle chez Dominique Pitoiset une forme d’ironie en même temps grinçante et émouvante, et qui, au fil des rencontres traçant autour de Joseph K. un piège invisible et mortel, traduit la curiosité et la peur, la naïveté et le cynisme, le désir et le renoncement. Joseph K. ne se réfugie pas au désert, ne le fuit pas. Il le construit, le peuple de fantômes charmeurs et maléfiques, poursuit un double de lui, et qui serait un autre.

Ainsi va le garçon dans la nuit pluvieuse, La Nuit juste avant les forêts, monologue créé à Dijon en octobre 1997. En 1981, interprété par Richard Fontana dans la mise en scène de Jean-Luc Boutté au Petit-Odéon, le texte avait révélé Bernard-Marie Koltès au public. Il porte en germe toute l’œuvre de ce « desperado joyeux », ainsi que le définit Patrice Chéreau, qui a monté la plupart de ses pièces et écrit : « Elles ne sont ni sombres ni sordides, elles ne connaissent pas le désespoir ordinaire, mais autre chose de plus dur, de plus calmement cruel pour nous, pour moi. »

Calmement cruelle est l’histoire de cet homme, nomade dans un monde qui ne veut pas de lui, courant dans la ville à la poursuite d’un inconnu en qui il a cru reconnaître un reflet de lui-même. « Ne dis rien, ne bouge pas, je te regarde, je t’aime, camarade, camarade, moi j’ai cherché quelqu’un au milieu de ce bordel ; et tu es là… » Cette fois encore, Dominique Pitoiset s’attache à la recherche du double, cette fois encore il met en scène le désert. Désert de la ville, d’une solitude à laquelle l’homme sans nom à tout prix veut échapper. En écrivant, Bernard-Marie Koltès pensait à la situation de celui qui n’est pas reconnu pour ce qu’il est, noir, étranger, homosexuel… Ici, interprété par un jeune comédien naïf et fiévreux, Martin Petitguyot, l’homme sans nom comme Joseph K. est « tout le monde et personne », celui qu’on ne voit pas, qu’on ne veut pas entendre, qui se révolte, s’affole, rit pour se rassurer, lance des mots comme des bouteilles à la mer, crie dans un langage formidablement simple un grand poème amoureux. Poème d’amour fantasmé, inaccessible. Course sans fin après le bonheur, ou peut-être la mort.

L’amour et la mort, c’est le théâtre tout entier. L’autre soi-même méconnaissable, la révolte, la dérision, l’attrait du désert et le besoin du monde et le besoin d’aimer, l’énigme de la femme, enjeu passif des luttes de pouvoir ou manipulatrice, forment le théâtre de Dominique Pitoiset, et c’est ce qu’il trouve dans Les Brigands de Schiller, dont les répétitions ont lieu au Théâtre national de Bretagne à Rennes. Car Dijon ne disposait pas encore, en ce début d’année 1998, d’une salle de répétitions.

Dominique Pitoiset a adapté, coupé, simplifié le long poème dramatique, symbole du Sturm und Drang et de ses combats idéologiques, mais dont aujourd’hui on supporterait difficilement les immenses tirades, l’outrance, les digressions trop ancrées dans leur époque. Il en a cependant restitué le langage dru, parfois trivial, et le lyrisme de la pensée.

Il a été séduit par les résonances shakespeariennes de cette œuvre de jeunesse, histoire d’un vieux comte et de ses deux fils qu’il n’a pas su aimer, dont il a fait d’irréductibles ennemis. Le cadet méprisé, Franz, lorgne l’héritage, le titre, et Amalia, fiancée de son frère, « chargée, telle est sa seule fonction, son seul avenir, d’assurer la continuité de la dynastie ». Franz s’engage corps et âme dans un règlement de comptes voué à l’échec, tandis que Karl, l’aîné, le préféré, a fui sa famille et son monde dans la forêt où il se retrouve à la tête d’une bande de rebelles, de brigands.

« Sans doute Schiller s’est-il projeté dans les deux frères : dans la férocité désespérée de Franz en révolte contre son père, obsédé par le désir de se faire reconnaître ; autant que dans l’idéalisme dévoyé de Karl en révolte contre une société dont il refuse les lois. […] Il veut changer le monde, le rendre meilleur et par la force des choses devient en quelque sorte un terroriste » (texte programme du Théâtre de la Ville, mars 1998).

Dominique Pitoiset, sans aucun doute, s’est projeté dans les deux figures, les deux formes de révolte. Il est, il se sent en tout cas partagé entre le désir de fuite au désert, et la nécessité viscérale de vivre le théâtre, il veut à la fois en assumer la réalité sociale, et de spectacle en spectacle y construire une œuvre qui se confondrait avec son existence. La scène est son pays, son royaume, son désert peuplé de rêves, où encore et encore il poursuit la quête de cette utopie : la Vérité.

Brigand ou homme d’appareil ?­

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Atrabilious and in love

by Colette Godard

 

 

Before considering a career in the theatre, Dominique Pitoiset saw himself becoming an architect, then a painter. He therefore enrolled at the School of Fine Arts in Dijon – his home town – and developed a passion for the Arte Povera, Renaissance artists, the golden number and as he puts it “the rump of Caravaggio’s horses”. To pay for his studies he worked as a night porter at the Museum of Natural History. In the vivarium department he grew fascinated by the maze of aisles and corridors, by the succession of glass prisons in which disquieting aquatic creatures kept turning around tirelessly.

He derives his greatest joy from football. His hero is Maradona who, according to Dominique Pitoiset, is “a champion of social fracture, a man who plays with fire and who perverts conventions, good taste”. Dominique Pitoiset also says that he could have become a professional sportsman but at the age of fifteen discovered Thomas Mann and Hermann Hesse, the gods of German romanticism, and became hooked. This was one of the reasons why he and some of his friends enrolled in an amateur theatre group. Nothing important, except that he had been infected by the theatre virus, and it was there to stay. A virus transmitted several years ago without anyone noticing, by Tartuffe in the stage production by Roger Planchon. The whole thing happened in the town of Chalon-sur-Saône where the production is on tour and where the car in which the Pitoiset family are travelling breaks down. While the car is being fixed, the parents take their son to the theatre. Dazzled and amazed by the costumes, actors, props and the huge portrait of Christ languorously strung hanging across the width of the stage curtain, the kid watches the play and is marked for life.

The plastic arts soon bore him as much as architecture. However, his interest in theatre concentrates on stage design. He decides to sit the entrance exam for the National Theatre School in Strasbourg where Jean-Pierre Vincent is the director and which was at that time the top theatre school in France. It boasted a resident troupe and a “group” comprising Christiane Cohendy, Évelyne Didi, André Wilms, Bernard Freyd and Philippe Clévenot…

Dominique Pitoiset mistook the date of the appointment and arrived too late. In fact, he accompanied a male actor from the Dijon-based theatre troupe and since he was there without anything else to do, he started giving his friend his cue in the play. Claude Petitpierre, director of the school, advised him to stay on. He enjoyed learning to act, although he was searching for something more, something different. When he heard that Strasbourg was a Mecca of situationism, he began to rummage around to see what was left of it.

“Through a lawyer who’d survived the period I discovered a cellar, the Caveau de la Ruelle right next to the theatre, under the university cafeteria. You could still see the butchers’ hooks and the wall were covered with poetical subversive graffiti. I said to myself: this is an ideal place to revive a university theatre group, outside the school or as a counterweight to it. In any case, it was to bear relation with what we were taught. With several colleagues we worked on the ‘random’ and we produced an interesting and effective creation based on John Cage’s work called Silence. We performed it in a few university theatre festivals, especially in Bron, near Lyon. It was a collective experience without a real stage director, but in the school I always felt closer to the course professors, lecturers or other contributors than I did to the students”.

 

Dominique Pitoiset found his first official job in 1981 on graduating from school. Jean-Pierre Vincent was producing Les Corbeaux by Henri Becque at the Comédie-Française where he was soon to be appointed general administrator and hired him as an assistant. Dominique Pitoiset dived one hundred percent into institutional theatre, learned about dramatic art and stage direction. He appropriated the practice of stage direction: “Setting schedules, each day confronting the anxieties of actors, organising rehearsals, knowing where the spot-lights are hung, the name of this or that boom, how the gearing operates beneath an Italian-style stage: getting to grips with the finances of a production, with the props and costumes departments, the different jobs, management and stage production. The craft. The giddy heights of art come later. In all events, talent cannot be transmitted”.

“There were two of us, Vincent and myself. It was a new and enriching experience for me. I was able to learn about other practices and about a world that was quite new to me. At the same time, this produced in me the irrepressible urge to leave, to leave Paris, its circles and lifestyles. I felt uncomfortable. I didn’t understand the rules of etiquette. I did not know how to bend. Above all, I did not want to join the dole queue like my friends. I have a nomad’s temperament. I arrive in a place, put down my bags, but I don’t settle”.

Shortly after the rehearsals had started, like Alceste fleeing the court, Dominique Pitoiset set out for Dijon again. On the advice of Simone Amouyal, who worked for Roger Planchon in Villeurbanne, he contacted the shattering duo of Manfred Karge and Matthias Langhoff from the former GDR who were preparing a production of The Prince of Homburg and who were looking for an assistant. Dominique Pitoiset spoke some German and applied for the job, along with a number of other applicants.

“The interviews were held in a small room in the Théâtre de l’Odéon. I was the last candidate to be led in. They were clearly fed up by now. When I entered Langhoff was in a foul mood and immediately said to me: ‘We are not going to talk about the theatre again. Enough of that. I’ve got a headache’. I thought I stood no chance but since I was there I had to say something so I talked about football. Langhoff picked up the conversation. The situation was quite absurd with Karge, a great hound dressed in dungarees, listening while he puffed on a huge cigar, and Langhoff, as sharp as a razor, wearing bell-bottom trousers and suede shoes in the east German style, discussing football, from the perspective of stage direction. When I left his headache seemed to have gone. I was glad but had no illusions about my chances of landing the job. When they were in Villeurbanne they were asked who they had chosen. Langhoff apparently replied: “the footballer”.

“Unfortunately, he became ill and the production was further delayed so I worked with them on the cast. I visited them regularly in Bochum where they were guest director but I did not get involved in their Prince of Homburg in Villeurbanne. However, when Benno Besson became head of the Comédie de Genève and he was asked to direct the Cherry Orchard, they called on me”.

 

Dominique Pitoiset, although still mistrustful of Paris, does go there for shows and plays. In 1979 he was bowled over by the Bob Wilson production of Edison at the Théâtre de Paris. In 1983, he experienced a moment of intense bliss (“the great artistic shudder”) at a production of Shakespeare’s The Tempest directed by Giorgio Strehler. In 1984, he assisted Jean Jourdheuil and Jean-François Peyret with Vermeer and Spinoza. That same year, he began a seven-year partnership with Switzerland. Seven years during which Dominique Pitoiset ran training courses in Lausanne, but also Dijon and Milan. In January 1998, at the Nouveau Théâtre de Poche in Geneva he signed his first professional production on a tight budget which nonetheless ran for three weeks. He acted in this production, his first important acting role. While the experience did not exactly turn him off acting, he preferred to concentrate on stage design. “I am not an easy person for decor artists”, he admits, maybe on adaptations. The play is called Comédienne d’un certain âge pour jouer la femme de Dostoïevski, it was written by the Soviet writer Edvard Radzinski. Edvard Radzinski travelled to Geneva twice, attended the production incognito, introduced himself, expressed his satisfaction and declared that the play must be made into a film at any cost. A film-maker actually flew in from Moscow but the project never reached fruition. Dominique Pitoiset has no regrets. While he is perpetually in search of something better, at least of new horizons, he is not attracted to film-making. Not yet.

In 1988, while still at the Théâtre de Poche in Geneva, he undertook to produce Le Pélican, created at the Festival de Sémur-en-Auxois in Burgundy, the last of Strindberg’s “chamber pieces”. The adaptation by Arthur Adamov does nothing to tone down the excessive outpouring of emotions. In this story about a ferocious family dispute around a dead character, the father, Dominique Pitoiset detects resources with a work which has pursued him and which he promised to produce one day: Shakespeare’s Hamlet. For all the naturalism, Le Pélican gave him the opportunity to express a personal attachment to suffering that he likened to Strindberg “above all else a struggler whose flesh and body are unsettled from morning to night. By all accounts he is the pelican, that bird giving its flesh and blood to feed its offspring” (programme text, words compiled by Odile Quirot).

 

Back in Dijon, Dominique Pitoiset encountered François Le Pillouër, founder and director of Théâtre en mai, an international gathering of young stage directors. Le Pillouër supported him and led him to found his own company in order to receive grants, municipal subsidies with which he could stage his first classic: Le Misanthrope, which was produced at the centre dramatique de Bourgogne directed by Alain Mergnat. This production of Le Misanthrope in 1990 succeeded the productions of Jacques Weber in Nice, of Niels Arestrup in his attempt to direct a private theatre Renaissance in Paris – and of Simon Eine at the Comédie-Française. And yet, it is unlike anything else.

The characters bump into one another in a confined and awkward space, pressing together at the front of the stage. They suggest enclosed spiders – the weird fish at the Natural History Museum swimming around in their glass prisons. The characters enter and exit via a small low door which requires them to stoop, and via a higher narrow opening. Alceste is the provincial lost in an adulterated environment, utterly vulgar despite a superficial sophistication, ridiculed by Molière. A world of philistines and scroungers, that Philinte accepts with distant cynicism, that Alceste angrily rejects, that Célimène finds hard to tolerate, like a disease one is resigned to live with. Besides the rapacious, greedy and unscrupulous sybarites ready to grab anything that comes within their reach, ultimately lacking mystery, Nadia Fabrizio creates a moving, complex and secretive character. She brilliantly embodies Dominique Pitoiset’s model heroine, she who also shares his life and his work.

 

“I will emerge from an abyss in which vices prevail

and seek a remote place on the earth

where a man of honour can enjoy freedom.”

 

These lines are uttered by Alceste who shuns mankind while dreaming of the desert and purity. For his next production Dominique Pitoiset strove for a more radical misanthrope: Shakespeare’s Timon of Athens. Here too, the characters buy, burrow and dig themselves between tall walls like enraged insects. There are no women in the play other than two female prostitutes who are bare walk-on parts, here played by male actors. This is a bitter, hard-hitting fable in which a distinguished general becomes ruined by buying the friendship of this circle. Sickened, he wants to remain alone with his range and pain. He exiles himself in the desert, finds gold there and at once is chased by phoney friends on whom he will seek revenge. He humiliates them by throwing his treasure, insults and curses at them. But to successfully rid his mind of them, he must take his own life.

Dominique Pitoiset delights in identifying himself as a fanatic, the author of his own epitaph: “Here lies Timon who during his lifetime abhorred all living men”. Magnificent in the title role, Hervé Pierre manages despair, the bouts of anger of Dominique Pitoiset and his generous pessimism, his obsessive quest for authenticity in the duplicity of the theatre. Playwright and stage director merge for the next production, Urfaust, created at the Quartz theatre in Brest where the company is hosted as resident. Goethe wrote this first version of this great work at the age of twenty-five. He was inspired by the vastly popular puppet shows which toured fair grounds, relating the medieval legend, the old fantasy of eternal youth, the eternal temptation of the pact with the Devil, power and punishment. But Dominique Pitoiset is less interested in the combat of good and evil and more in the harsh fantasy of Goethe’s text and his jovial cruelty. “The Greeks already warned us of the terrible risk of measuring up to the Gods”, he wrote in 1993. “Today, nihilism and deception are fashionable and it seems inevitable that the ghosts of the past will return to haunt us in the future. Our countries are old. Faust has no time to see his beard grow, old age is in his head. The ship is rudderless. Mephistopheles merely reveals our desires, his magic is founded on folklore. The return of the Gods is celebrated with great pomp by fundamentalists of all persuasions […]”

Faust is not therefore a power-thirsty old man but a boy of Goethe’s age, a young greedy man who rejects the desert of studies, refusing to relinquish the world, love and life. Dominique Pitoiset regards him as “a genius, but a sham, a hypocrite and unfriendly”. “He does not like Marguerite. He wants to appropriate her innocence. Man’s desire is not generous. This is a sensitive area for me. We are constantly guilty of running away” (Le Monde, 1 March 1993).

He therefore prefers Mephistopheles whom Hervé Pierre depicts as a kind of clever and formidably amenable peasant. “A small-time devil who calls the shots. In the denuded half-boat, half manor-house space, the little men are doomed rats – without hope of salvation or redemption […]. We watch them and witness Faust’s vain attempt to waive conscience in forgetting himself through love. This is another form of suicide. He tries to waste away” (text of programme, 1993).

“Waste away” is a phrase used endlessly in Dominique Pitoiset.

Faced with this deadly rage there is Mephistopheles, the other face of Faust, his double, an Epicurean, his Leporello. A double responsible for highlighting the contradictions of the individual in his relations with society and with himself: the internal debate within two bodies. Alceste-Philinte, Faust-Mephistopheles, Leporello-Don Giovanni are two characters rolled into one, a single individual. The question pursues Dominique Pitoiset who dreams of producing Mozart and Salieri, an opera by Rimski Korsikov based on a short story by Pushkin. “A play on the most unjust of injustices: talent. On the difference between Michelangelo and his most gifted student, between fifteen productions of The Tempest and the one that touches you to the quick, that makes you feel like a human being. This play is about the comparison between Mozart and Salieri, with the laughter of genius, about unrealisable ambitions. Perhaps we are all more or less able to withhold our impulses. But who has not at some point in time sought in art the supreme act of intoxication, such as in love-making. Some will imagine that they have touched a piece of paradise, others will come away badly scathed. Yet we continue to search and we build our lives around this search”.

Le Misanthrope opened a door for Dominique Pitoiset into the court of the greats of the theatre world. Timon of Athens established him. Urfaust brought him official recognition. He obtained a non-resident grant from the Medicis foundation and thanks to the Italian journalist Franco Quadri, he joined Luca Ronconi, who produced Armida in Pesaro, as an observer. A “comparison with genius” of which he retains wonderful memories, memories of an almost magical intelligence of the stage. On his return he launched a project particularly dear to him: the adaptation of Goncharov’s novel Oblomov, which Nikita Mikhalkov made into a film: the portrait of a man who only wants to sleep and dream. Nothing more.

With translator André Markowicz Dominique Pitoiset set off for Saint Petersburg, visited the street where Oblomov was supposed to have lived. As though he had really existed, people speak of this character in whom some see a symbol of indolent Slav fatalism. On his return, he began to work on the stage adaptation. “I read the text in Russian out loud and translated it word for word. This gave us the intonation and the structure but nothing else. So it was in no way a final translation. But this exercise enabled us to raise questions […]. Questions such as the extent to which the original Russian can be rendered in French and where are the limits? I have no single answers to these questions. They partly depend on the work on the set and with the director”, declares André Markowicz during a public talk with Dominique Pitoiset organised by the CTL (Centre de traduction littéraire) on 22 November 1993, about a year before the production opened at the Théâtre Vidy in Lausanne on 4 October 1994.

On the stage a box sealed from the outside world and empty except for a settee and a music stand, encloses a chubby man stretched out on a divan of which he seems to be a part. It seems that he has never risen from it. Standing up and walking about is not only tiring but quite a useless exercise for him. He dreams and the people who come to see him, including the young lady with whom he seems ready to share love, must enter his dream. He turns various plans for moving to his remote home. He wants to create an ideal home somewhere else, in a land where he would find his childhood again. Or rather an imaginary childhood, one that he now invents as an adult. Oblomov is a mystic of inactivity “eaten up by a devouring passion, a monster of purity, who dreams of divine abstention and a life of endless idleness” (Frédéric Ferney, Le Figaro).

“Oblomov lived an utopian childhood”, explains Dominique Pitoiset. “He is addicted to dreaming. He talks about his home in terms of individual sensations. He talks about the smell of cut grass, of falling daylight. The present is unbearable for him. He therefore has to invent his future, but since the future is doomed to become the present and the present is unbearable, all he can do is to take refuge in the past. This is what I call the retroactive dream of childhood”.

Why does Dominique Pitoiset, a workaholic, still feel a special tenderness bordering on fascination, for such a “metaphysical sloth”? “A creator, just before measuring up to ordeals, before tackling them, he experiences sweeping idleness, a powerful lethargy, an urge for distraction, to avoid the harsh transition during which he will come face to face with the other person, not with his double, but with his own self in the other, unrecognisable state. Imagine that this idleness drags on indefinitely for a whole lifetime. There you have Oblomov. The radical unemployment of being.” So writes psychoanalyst Daniel Sibony in Oblomov ou la misère de l’idéal. This, at least is one explanation.

 

An ascetic misanthrope, Oblomov ends a cycle. This was also the last time that Dominique Pitoiset asked Hervé Pierre to embody his “other unrecognisable self”. This was also the last production of his independent company with no fixed abode, i.e. dependent on supporting and production structures. It was disbanded after having co-produced Marivaux’s La Dispute which was rehearsed and produced in February 1995 in Rennes at the Théâtre national de Bretagne, headed by its newly appointed director François Le Pillouër. In April 1994, Dominique Pitoiset was appointed head of the Centre dramatique de Bourgogne. Since Alain Mergnat was not due to leave until June 1995 and since the programme for the 1995–1996 season had already been established, La Dispute was presented as a “guest show”, after going on tour around France in November 1995, at the Centre dramatique where Dominique Pitoiset became director in January 1986 and which became the Théâtre national Dijon Bourgogne. A different name and a different status with apparently the necessary resources to focus more on theatrical creation. The number one priority was to renovate the auditorium built in a disused chapel, the Parvis Saint-Jean. The next task was to build a larger space, a rehearsals hall and a props workshop but this project remained on the drawing-board. However, for the first time, Dominique Pitoiset put down his bags, and pitched his tent in “a theatre of his own”, although he abhors the connotation of possession connected with the phrase.

La Dispute or the story of an experience. To determine whether inconsistency was invented by man or woman, two adults, the Prince and Hermiane, observe, without being seen, the behaviour of four teenagers, two boys and two girls brought up in total isolation. Their only contact is with a couple of black servants and for the first time they come together. They discover pleasure, desire, jealousy and violence.

“They discover the force of uplifting love, a new sensation caused by the presence of a partner”. This is the history of an experience, the shattering of a utopia. Oblomov creates an ideal childhood out of a dream, from which he turns his life in a kind of virtual work of art. The Prince and Hermiane go off in search of lost innocence. “An attempted journey back to the first time, a quest for origins. It is an impossible quest. These teenagers are not wild children in the Kaspar Hauser mould. The speed with which they develop the instinct of possession and domination, with which they understand where their interests lie and the rules of the game is admirable. As is the natural way in which they apply the strategies of seduction: become a slave to become a more effective master” (text of the programme).

The stage sets are a box – more than ever. A cage in which young maddened animals run around tearing one another up. The only adults in the play are the two black servants. The Prince and Hermiane only appear on the criss-crossing of monitor screens which, like prison camp control towers, encircle the children’s world, trap them in an unbearable series of anthropological glances. “The Prince watches Hermiane who watches the children. He includes her, along with the public, in his experience. He is a manipulator”. The adults scrutinise these strange animals: the young people. At the same time, frozen in their own image, they are themselves trapped by an endless ordeal while the theatrical production retains the instability of life.

Originally, the play ended with the arrival of a couple of perfectly normal teenagers who go off and get married. In his legendary stage production in 1973, Patrice Chéreau depicts them as small depressing bourgeois. Dominique Pitoiset removed them from the script. “I had first imaged a pair of richly dressed dwarfs carried in a perforated crate, like a pair of ostriches at the Bale zoo. Finally I did not want to commit that kind of violence. I preferred telling myself a story, possibly a true story – the first production of La Dispute had been a disaster. Therefore, Marivaux had added a kind of artificial happy ending which we no longer need today. I preferred confining the plot to the destruction of the couple.”

 

Since villainous games ultimately destroy the couple, or at least unsettle it, Dominique Pitoiset pursued them with Les Noces de Figaro (The Marriage of Figaro) that he produced in September 1985 in Lausanne during the tour of La Dispute. This was his first excursion into opera although he changed none of his principles of stage design. “Act one: a bed post. Act two: a cupboard. Act three: the same cupboard, overturned. Act four: a tree […]. Dominique Pitoiset and Laurent Peduzzi staged Les Noces de Figaro in an almost totally empty cage. The lights outline the bars and the wire mesh. The only communication with the outside world is via two small doors at the rear of the stage” (Pierre Moulinier, Le Monde).

 

Despite the artistic and administrative constraints of opera, or perhaps thanks to them, Dominique Pitoiset lives through an intensely emotional experience that he calls a “lyrical moment”. This is the moment when the music and the stage merge, where song becomes magical, engendering belief in the impossible, carrying the unutterable, wiping out, sublimating discussions, conflicts, doubts, anger, hesitations. “I don’t know how to define that moment. All I know is that I would like to stay in it”.

 

The search for the lyrical moment, the quest for truth. The flash of truth that burns and disappears. The elusive truth which pursues Joseph K., the hero of Kafka’s The Trial, created at the 1996 Avignon Festival in the courtyard of the Lycée Saint-Joseph where between the austere walls the only prop was an orange canvas perforated with traps, whose covers, when shut, blended with the canvas. “A huge smooth canvas without any humps, towering like a mountain, on which a genuine rock of Sisyphus was hung that (Joseph K.) is fated not to carry but rather to climb and then scurry down in undignified fashion – on his backside” (Odile Quirot, L’Observateur). The actors rehearsed in a room cluttered with furniture, to integrate in their bodies and behaviour the sinuous itinerary of the Kafkaesque maze, depicted by this empty space on which the first sentence of the novel is written in fleeting letters: “Joseph K. must have been cursed because one morning, without doing anything wrong, he was arrested”.

“There is no recognition for the law, only for the sentence”. In the subsequent part of Oblomov as he flees the world of sleep, Dominique Pitoiset “ends the night by opening his eyes on the nightmare of Joseph K. A man caught in the crowd, picked out by chance, as though struck by a wretched disease. He is not Kafka. He is no one and everyone at the same time […]. His itinerary follows a process akin to a patient with a disease: revolt in the face of injustice, why me? The progressive acceptance of evil. Expectation such as in the corridors of the hospital which lead to the chemotherapy unit. Then the final resource: appeal to a higher legal authority, patently absent. A big lie” (Le Monde, 4 July 1996).

The production could form the second part of a trilogy that began the same year with Le Château by Giorgio Barberio Corsetti, continued with Île du Salut based on La Colonie pénitentiaire by Matthias Langhoff. Although Kafka did not write for the stage, he offers those who work in the theatre an almost inevitable challenge since his creatures dive to the centre of the equivocal areas of innocence, to the centre of the abyss of guilt. To the centre of human contradictions. Because they are “no one and everyone”, because they lead to the boundaries of the tangible and imaginary, where time rolls in a spiral, in a world without proof. Our world.

 

The Trial produced in Avignon revealed in Dominique Pitoiset a dry and moving irony. The various encounters that weave an invisible and deadly trap around Joseph K. translate curiosity and fear, naïveté and cynicism, desire and self-abnegation. Joseph K. does not take refuge in the desert nor does he run away from it. He builds it, peoples it with endearing and evil ghosts, chases a double of himself and which is apparently someone else.

As so the boy walks into the rainy night. La Nuit juste avant les forêts, a monologue created in Dijon in October 1997. In 1981, performed by Richard Fontana and produced for the stage by Jean-Luc Boutté at the Petit-Odéon, the text revealed Bernard-Marie Koltès to the public. It contains the entire opus of this “merry desperado”, to quote Patrice Chéreau who produced most of his plays and who writes: “The plays are neither bleak nor sordid. They do not express ordinary despair but something harder to the core, more quietly cruel, for us and for me”.

The story of this man is one of calm cruelty, a nomad in a world that does not want him, running around a city in search of an unknown man in whom he believes he has recognised a reflection of himself. “Don’t say a word, don’t move, I’m looking at you, I love you, comrade, comrade, I have been looking for someone among this fucking mess; and there you are…” Again, Dominique Pitoiset is searching for the double. Again the setting for his stage production is the desert. The desert in the city, the loneliness from which the man without a name wants to escape – whatever the price. In writing, Bernard-Marie Koltès thought of the situation of someone who is not recognised for what he is, a black, a foreigner and a homosexual. Here played by a young naive and feverish actor, Martin Petitguyot, the man without a name, Joseph K., is “everyone and no one”, the invisible person, the person no-one wants to hear, who rebels, becomes desperate, laughs to reassure himself, shouts out words like bottles cast out to sea, someone who shouts out a long love poem in powerfully simple language. A fantasised and unattainable love poem, a poem about unrequited love? An endless search for happiness, or perhaps death?

Love and death cover the entire spectrum of theatre. The other unrecognisable self, revolt, derision, the appeal of the desert and the need for people, the need for love, the feminine enigma, a passive game about the possession of power or manipulation: this is the stuff of which Dominique Pitoiset’s theatre is made, and this is what he finds in Schiller’s Brigands, currently in rehearsal at the Théâtre national de Bretagne in Rennes. This is because today – at the beginning of 1998 – Dijon still does not have a rehearsal hall.

Dominique Pitoiset has adapted, edited and simplified the long dramatic poem – a symbol of the Sturm und Drang and his ideological wars whose sweeping tirades, acts of outrage and digressions firmly rooted in their day and age, would be quite unacceptable today. However, he has managed to reproduce the hard and fast – and sometimes trivial – language and the lyricism of the ideas expounded.

He was drawn to the Shakespearean resonances of this youthful work, the history of an elderly count and his two sons that he was unable to love, whom he turned into implacable enemies. The despised younger brother, Franz, sets his sights on his father’s inheritance, the title – and on Amalia, his brother’s fiancée “whose sole role, her only future, is to perpetuate the family line”. He throws himself body and soul into settling scores doomed to fail, while Karl, the elder brother and the favourite of the two, has fled from his friends and family to the forest where he becomes head of a gang of bandits.

“Perhaps Schiller identified with the two brothers; in Franz’s crazed desperation, as he rebels against his father, obsessed by his desire to gain recognition, just as much as in the misguided idealism of Karl who rebels against a society whose laws he rejects […]. He wants to change the world, to make it a better place and necessarily becomes a kind of terrorist” (text of the programme of the Théâtre de la Ville, March 1998).

Without a doubt, Dominique Pitoiset has projected himself onto the two figures, onto the two forms of rebellion. Split between a desire of withdrawing from the world, and a deep rooted necessity to live through theatre, he both wants to take upon its social reality, and from one creation to the other, to build a work which would meet with his life. Stage is his country, his dreamfilled kingdom, where, again and again he pursues the quest of an utopia: Truth.

 

To be or not to be outlaw?